HOHL (Thierry), Pernand-Vergelesses
: un village socialiste ?
« La moralité publique a des degrés :
Camuzet les a tous descendus. C’est un amoral, un insexué politique déshonorant
le régime parlementaire1. »
La violence du propose ne saurait surprendre en un temps où
l’invective fleurissait dans le champ politique. Pour autant, ce langage étonne
chez un militant socialiste futur maire de la commune, alors conseiller
municipal de Pernand-Vergelesses. Il dénote la distance entre des
représentants de la commune et le député de la circonscription, pose la
question de son origine dans un territoire politique compris comme modéré et
républicain. En 1929, un bulletin à en-tête de la SFIO illustre la présentation
d’une liste socialiste aux élections municipales2.
Le fait est rare dans les communes rurales et témoigne d’une politisation
inédite d’un scrutin local dans un village qui compte à ce moment-là moins de
100 électeurs. Intrigante, cette découverte pose plusieurs questions :
comment se fait-il que des habitants d’une commune rurale, viticole choisissent
la marque du socialisme pour se présenter devant leurs concitoyens ? Cela résulte-t-il
d’une conversion de leur part à l’idéologie socialiste, la transformation d’une
culture politique auparavant républicaine ? Quelle est la part des
contextes locaux, nationaux dans cette revendication ? Autant de questions
qui se résument dans une interrogation sur les modalités de la politisation
dans les villages au temps de la 3ème République, sur la manière dont la
politique traduit des rapports sociaux, territoriaux, culturels. Dans ce cadre
d’une « communalisation de l’histoire politique », l’enjeu est
d’interroger la manière dont les habitants de Pernand-Vergelesses investissent
le vote socialiste, pour se faire représenter, pour s’inscrire dans des
systèmes politiques, nationaux et locaux.
1. « Camuzet, renégat et transfuge », Socialiste
Côte d’orien, 17 mars 1928
2. 3M834, Archives de la Côte-d’Or (dorénavant
ADCO)