Corinne Marchal
La représentation confessionnelle de l’adversaire dans le récit du
siège de Dole de Jean Boyvin (1636)
Mettant fin à la neutralité
séculaire des deux Bourgognes, la phase militaire de la guerre de Dix Ans
commença par le siège de Dole (28 mai-15 août 1636), dont le récit fut publié
par le parlementaire Jean Boyvin qui avait été l'âme de la résistance des assiégés.
Il proposait une image belligène de l'adversaire fondée sur son altérité
religieuse. Nous cherchons à en préciser les sources d'inspiration,
l'originalité et les buts. Fidèle à un catholicisme intransigeant fortifié par
l'épanouissement en Comté de nouvelles dévotions à caractère antiprotestant,
membre d'un parlement qui pourchassait toute déviance religieuse, Boyvin
identifie l'adversaire au pluralisme religieux que celui-ci admet, pour
démontrer l'impossible union avec une province où l'« hérésie » est
honnie. Voulant avertir les catholiques français du danger des alliances de
Richelieu avec les États protestants, il figure le prince de Condé, commandant
l'armée royale, en homme pieux mais débordé par la fureur iconoclaste et
sacrilège de ses alliés suédois, laquelle provoque le châtiment divin de la
défaite. La représentation de Suédois en barbares iconoclastes s'inspire de
celles circulant en Europe dans le camp habsbourgeois. Plus originale est la
démonstration de la contamination aux combattants français que provoque cette
rage aveugle, qui n'épargne pas même le sanctuaire de Notre-Dame du Mont-Roland, symbole de
l'unité des deux Bourgognes.
Mots-clés :
frontière religieuse, représentation, pluralisme religieux, iconoclasme,
ennemi.
Ending the neutrality
of the two Burgundies, the military phase of the Ten-Year War began with the
siege of Dole (28 May-15 August 1636), the account of which was published by
Jean Boyvin, member of Parliament, who had been the soul of the resistance of
the besieged. He spread a belligerent image of the enemy, based on religious
differences. We are trying to show what inspired this, its originality and its
purpose. Faithful to an intransigent Catholicism, strengthened by the
development in Franche-Comté of new devotions that were characterized by
anti-Protestantism, member of a Parliament which fought all religious
deviances, Boyvin identifies the enemy by its admitted religious pluralism, to
demonstrate the impossibility of an alliance with a province where « heresy »
is hated. Trying to warn French Catholics of the danger of Richelieu’s
alliances with Protestant countries, he shows the prince of Condé, who commands
the royal army, as pious but unable to stop the iconoclastic and sacrilegious
rage of the Swedish allies, which causes the divine punishment of defeat. The
figure of barbarian and iconoclastic Swedes is inspired by those of Habsburg
faction. It is more original to insist on the imitation by the French of this
unreasoning rage, which does not even save the marial sanctuary of Mont-Roland,
symbol of the unity of the two Burgundies.
Key-words : religious
frontier, représentation, religious pluralism, iconoclasm, enemy.